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Stéphane PERDROUX | Ferronnier d’Art

A lire absolument

Nadine Gracy
Nadine Gracy
Un temps Directrice Marketing dans un groupe international, Nadine Gracy officie depuis deux ans dans la composition journalistique de magazines comme Teck-Tech et NUDE. Ses portraits, papiers d’ambiances ou publireportages se déclinent en voyages d’âmes et belles rencontres. Passionnée des mots, curieuse du Monde et particulièrement attentive à ses secrets comme à ses symphonies, c’est tout naturellement qu’elle s’est orientée vers l’écriture autant canal d’expression de ses sensibilités qu’outil lui permettant d’assouvir une certaine appétence pour la contemplation ou l’analyse de l’autre.

Quand parcours de vie se confond en chemin de fer indéniablement se dessine le rigide de rails imposant une trajectoire prévisible. Il n’en est rien en l’occurrence que la destinée de ce ferronnier d’Art davantage enclin à transporter un savoir pour en transmettre l’essence que de subir les diktats d’un cadre trop établi. Si liberté il chérit, Stéphane Perdoux, enseignant au lycée de Bel Air se raconte riche de connaissances qu’il aime à partager muant son train d’existence en un voyage qu’il laisse osciller entre enfance candide et sagesse d’adulte comme se jouent équilibres entre enclume et marteau.

Aussi passionné que « passionneur », l’artisan formateur se plait à définir la forge en termes d’outil comme de lieu, atelier noble inspirant royaume de créations. Le jeune artiste grandit dans l’hexagone. Dans l’alcôve de cette impasse l’adulescent trouve refuge auprès d’un maréchal ferrant, plus qu’un artisan passeur de savoir, c’est une belle âme venue servir le possible de se grandir qu’il surprend. A cette hyperactivité qui le caractérise s’oppose en juste équilibre le méticuleux de cet art ancestral. D’un père cuisinier il comprend la dextérité du tout assembler, de sa maman la finesse des activités manuelles. Plus qu’éveil à tolérance ou curiosité c’est cohérence et sensé que recherche Stéphane. A l’abstrait d’un cursus classique il va préférer le concret d’un CAP de maréchal-ferrant déjà fasciné par ce jeu d’équilibre entre la force du marteau et la précision retenue du frappé sur l’enclume, contenir une énergie pour concentrer de l’émotion. Plus qu’une philosophie de vie, se choisir artisan suppose de nourrir un réseau tissé d’expertises et d’exceptionnels où rigueurs se mêlent d’exigences dans un melting-pot d’altruisme et de connaissances. Des Pyrénées à l’île de France en passant par les chantiers de Saint-Nazaire, l’apprenant se grandit de confiances et d’enseignements ouvrant ses possibles à la métallerie serrurerie. Au rôle de premier il préfère souvent celui de second, homme de l’ombre se forgeant ici place de pédagogue, ailleurs accompagnateur d’un socio-culturel. « Trippes, cœur et cerveau résonnent en mon intrinsèque ». Si « se retrouver entre marteau et l’enclume peut être d’un inconfort pour certains, il en sera opportunité de faire passer un savoir pour d’autres. « Ma chance est de frapper sans blesser, autant le mouvement pouvait évoquer une révolte certaine, autant il peut aujourd’hui inspirer perspective ou chance de construire ».

« Transmettre un savoir, c’est enrichir l’autre sans s’appauvrir »

S’il aime à se définir comme un militant de l’éducation populaire, ce créateur tourmenté y voit aussi bonheur à tisser des liens appréhendant la connaissance comme un trésor sans prix : « transmettre un savoir c’est enrichir l’autre sans s’appauvrir ». D’expériences en révélations, ce funambule d’un noble savoir se laisse guidé par son profond : il est ce qu’il sait et fait. Comme une ramure de plus à l’arbre de son parcours, il décide un nouveau voyage des sens sur l’île Intense. Son expertise en métallurgie et son approche pédagogique suffisent à ce bagage qu’il peaufine « péi ». Sa déférence à la culture locale l’invite à dérouler la bobine métallique comme pour mieux challenger une crédibilité à gagner.
2011 signera l’ouverture de sa propre enseigne « Labo Ferraille », entreprise impudente vacillant entre appétence fébrile d’un noble métier et perception d’un certain risque. En sciences et sans consciences, Stéphane découvre la dimension artistique de ses créations. Comme son père travaillait les restants de cuisine, il se surprend à faire renaitre les chutes ou débris de métaux abandonnés pour les transformer en des fleurs industrielles, dignes refloraisons suggérant ces curieuses plantations perçant effrontément ou par survie un béton silencieux. « Je préfère perdre en ayant bien joué que gagner en trichant » : repéré dans une exposition, l’artisan est sollicité par l’Éducation nationale pour intégrer le Lycée Bel Air de Sainte Suzanne, juste retour vers les coulisses du système scolaire pour se muer en passeur de savoirs animé par une saine philosophie : « l’erreur n’est pas grave, le parfait n’existe pas ». Un temps versé dans le monde du cirque, Stéphane se rappelle l’exercice particulier d’un équilibre sur un ballon. A comprendre que la stabilité se gagne d’un pied gardé en suspension, il entend mieux encore l’attraction retenue entre un marteau et son enclume. « On doit être enchanté et non désenchanté », à chacun de se forger bonheurs et plénitudes, de tracer passerelle entre enfance et adulte, rêve et réalité pour en garder le juste émerveillement. Comme il entendra d’un élève : « Monsieur, vous êtes un poète », il retiendra la nécessité de maintenir ses propres candeurs pour mieux s’ouvrir à d’autres possibles car … : « Il y a toujours un jour qui s’appelle demain* »
* : proverbe créole

Texte : Nadine Gracy
Photo : Pierre Marchal

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