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David NATIVEL | Le Savoir FER

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Nadine Gracy
Nadine Gracy
Un temps Directrice Marketing dans un groupe international, Nadine Gracy officie depuis deux ans dans la composition journalistique de magazines comme Teck-Tech et NUDE. Ses portraits, papiers d’ambiances ou publireportages se déclinent en voyages d’âmes et belles rencontres. Passionnée des mots, curieuse du Monde et particulièrement attentive à ses secrets comme à ses symphonies, c’est tout naturellement qu’elle s’est orientée vers l’écriture autant canal d’expression de ses sensibilités qu’outil lui permettant d’assouvir une certaine appétence pour la contemplation ou l’analyse de l’autre.

Il était une fois un regard, ce regard fasciné d’un enfant porté sur le geste juste et tendre de ses grands-pères, l’un travaillant le bois pour en créer sa canne de marche, l’autre garagiste et ferronnier, inventeur trouvetou du premier four solaire. Noble héritage n’aurait pu suffire à s’épanouir sans l’obstination passionnée du jeune David Nativel, devenu depuis figure talentueuse de la sculpture contemporaine.

Rencontre aurait pu se faire au creux de son atelier, cette brasserie de front de mer accueillera nos échanges sans pour autant rompre la fibre artistique du sculpteur qui, apercevant un iguane filant sur le pavé sombre de la terrasse, s’en étonne déjà comme dans une perspective de projection métaphorique.
L’enfance est réunionnaise, s’évade en Normandie avant de reprendre son cours sur l’île intense. La scolarité oscille entre turbulence et détachement, ici ou là observant certains édifices ce même fil conducteur tisse les prémices d’une vocation murmurante : « Il faut être ingénieux mais aussi rêver pour créer de telles structures, jouer de cet équilibre entre le gigantesque et le ciselé du détail ». Rien d’étonnant à ce que le film « Eiffel* » soit aujourd’hui référence de l’artiste.
Menuiserie, mécanique et ferronnerie composeront le triptyque de ses études. Plus que la manipulation de la fraiseuse, de l’aléseuse ou d’une guillotine c’est la métamorphose du rude en malléable qui subjugue : « Il faut aller dans le sens de la matière, ne pas la contrarier ». Le temps s’échappe, polyvalence dans un collège, service militaire dans l’hexagone et 25 années dans une entreprise de pneus n’auront pas raison d’une passion sibylline.

« C’est là que commence le voyage »
Hasard ou plutôt prédestination creusera le sillon de son génie. Alors qu’il nettoie la cour de la demeure familiale, David met à jour l’imposante souche d’une cryptoméria autrefois planté par son grand-père. Signe prémonitoire ou souffle céleste guidera la dextérité du créateur. Le bois brut aux courbes torturées tombera son informe rusticité pour adopter la silhouette gracile d’une lampe sur pied inspirant ainsi l’exceptionnel d’une destinée toute tracée. Du billot de leetchi au bois flotté, tout est prétexte à se muer en éclairage. David a trouvé sa voie, il créé son entreprise avec l’heureux dessein non pas d’exercer classiquement une nouvelle profession mais d’épanouir enfin son profond et de partager : « l’homme doit savoir que son destin se trouve au bout du tunnel et non à son entrée ». L’artiste tente le travail des palettes les transformant en assises ou tables basses, incidemment récupère les clous fixant les planches pour en découvrir tout le potentiel. Assurément inspiré par ses grands-pères adeptes du « rien ne se jette, tout se transforme », le sculpteur improvise ses premiers personnages filiformes qu’il réinvente en sportifs figés : la signature David Nativel est née.

« Avec pas grand-chose on peut faire des merveilles »
« Je ne sais pas dessiner mais j’ai cette capacité de projeter en 4D … » confie le créateur, corrigeant subrepticement le 4 en 3 comme pour disculper un lapsus, l’indicible 4ème dimension que pourrait évoquer l’attendrissante suggestion de ses aïeuls. De récupérations en trouvailles, nourri d’ingéniosités et porté par son imagination l’artiste transforme : 2 pièces de tenailles, une hache, une rondelle en acier en guise de chapeau pour un couple semblant danser (« je ne suis pas parfait, tu n’es pas parfait et c’est parfait »), un marteau menaçant penché sur un personnage élancé de fer (« Aucune avanie ne me jettera par terre, aucun écueil ne me fera sombrer, aucun marteau ne m’écrasera. Je suis indémolissable »), un autoportrait en soudures réfléchies poétisant l’indestructible d’une liberté de pensée, un rebut de canalisation rouillée et déformée pour une « froggle Rock ». La tête d’un étalon conçue depuis l’assemblage de chaines à rouleaux et de fers à cheval réveillera l’émotion touchante d’une femme venue visiter son exposition. Ailleurs son œuvre « 20 ansamb » rendra hommage respectueux à cet esclave enchaîné fier de sa dignité d’Homme ou « Lo Kaf » viendra faire résonner l’injustice subie par George Floyd**. Plus que d’exprimer l’essence de son art, David Nativel se fait passeur de messages comme pour éveiller la réflexion ou réveiller l’histoire.

« Laisser une empreinte »
Si aujourd’hui David Nativel poursuit sa mission de redonner vie à l’oublié ou l’abandonné, l’artiste sait aussi voir grand comme mieux interpeler (« Kayamb dans le vent », sculpture de 3m30). Alors qu’il se rêve de voyages en Thaïlande, en Turquie ou en Afrique, sa renommée n’a déjà plus de frontière : Times Square » affiche sa création « Destin », Jonathan Cohen reprend sa sculpture « Esprit Libre » dans son film « Sentinelle »…Plus près encore, le magazine Outre-Mer le sollicite pour un reportage télé… 2024 sera l’année d’un temps dédié aux siens et voué à cette association consacrée à l’éveil artistique des plus jeunes… surprendre une sculpture en travaillant du papier alu… il le dit lui-même : « l’Art est comme un miroir car il reflète notre âme »…mieux encore que de confier son intérieur c’est aussi le souffle du passé qu’il projette dans l’espace-temps comme pour mieux offrir un éternel…

* : film franco-allemand réalisé par Martin Bourboulon, sorti en 2021.
** : Affaire de violence policière américaine lors de laquelle George Floyd, un homme afro-américain, meurt à la suite de son interpellation, le 25 mai 2020 à Minneapolis, dans le Minnesota aux États-Unis.

Texte : Nadine Gracy
Photos : Pierre Marchal

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