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Laurent LASSAUGE | Concepteur

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Pierre Marchal
Pierre Marchal
Après avoir exercé onze ans comme journaliste au Quotidien de la Réunion, fondateur de l’agence photographique MozaikImages regroupant 95 auteurs dans l’océan Indien mais aussi au Japon et en Australie, Pierre Marchal a opté en 2005 pour une activité free-lance lui permettant de se consacrer à son sujet de prédilection : l’être humain. Anakaopress est née. Aujourd’hui à la tête du magazine de sport Gadiamb, de Teck-Tech et de Nude, la création de la société d'édition Zebra Editing est un nouveau challenge. Tél : 0692 65 79 95 Mail : marchal@anakaopress.com

Laurent Lassauge est un concepteur à part. Dans sa façon d’entrevoir la maison autour du concept du mieux-vivre avec pour philosophie l’habitat durable. Formé à l’école UP5 de Grenoble et professeur en arts appliqués au lycée professionnel de Bras-Panon, aujourd’hui à la tête de sa société LDD, traduisez L’Habitat Développement Durable, son cheval de bataille. Original s’il en est, celui qui a posé ses valises sur l’île en 1986 pour ne plus en repartir, a fait de sa conception de l’habitat un sacerdoce.

Expérience et ténacité. Ce sont sans nul doute les termes qui qualifient le mieux Laurent Lassauge. Expériences à travers les sociétés d’architectures intérieures qu’il a montées (Turbulences et Compléments d’objets) mais aussi avec les restaurants le Drugstore à Saint-Leu puis le 20 à Saint-Denis, rendez-vous incontournables des noctambules d’une époque pas si lointaine. Ce touche-à-tout fourmille d’idées et se rêve en dépositaire d’un nouvel ordre non pas des architectes mais du bien-vivre ensemble à travers l’habitat. Redonner un sens à notre façon de vivre, parler à ses voisins, s’ouvrir sur l’extérieur comme seule La Réunion sait si bien le faire.

Laurent Lassauge est un rêveur. Dans le bon sens du terme. Un rêveur attentionné, qui croit en une nouvelle architecture raisonnée, proche de l’habitant, qui tient compte de l’environnement et surtout, plus que tout qui s’intègre dans le paysage pour mieux s’insérer dans une politique de développement durable. Ce qui peut parfois générer quelques incompréhensions pour ne pas dire quelques inimitiés. Le prix d’une certaine audace, d’une liberté qu’il considère comme un luxe dans la profession.

 « C’est sûr, je n’ai pas ma langue dans ma poche. Je ne prétends pas faire de l’architecture. Je m’intéresse avant tout à l’habitat, au fait qu’une maison évolue sans cesse. Le parcours d’une vie, avec des enfants, puis sans, pour enfin se retrouver à deux. La maison est vivante. Elle doit pouvoir bouger, évoluer et s’adapter. Je suis plus un sociologue de l’habitat qu’un véritable architecte. Le rapport extérieur – intérieur est fondamental à La Réunion. Il nous faut retrouver cette notion de bien vivre, de confort créole que nous avons perdu. C’est pour cela que je fonctionne beaucoup par le bouche-à-oreille. C’est une démarche un peu différente mais qui me convient. Tout comme l’habitat durable ».

Habitat durable. Le mot est lâché. Pour Laurent Lassauge cela devrait être au centre des préoccupations des décideurs, des faiseurs de projets. Dès la conception. « Il faut redynamiser les échanges entre les voisins, concevoir les habitats pour un nouveau confort, repenser les modes de vie. On ne doit pas être dans la contrainte systématique mais bien plus dans la logique. Le développement durable doit être du bon sens. Prenez un exemple concret : actuellement dans les PLU, on ne peut avoir dans la majorité des communes des toitures blanches qui permettraient une meilleure isolation thermique répondant ainsi au réchauffement climatique. Non. Cela ne s’intègre pas dans le paysage. Nous avons perdu ce bon sens qui caractérisaient nos aînés. Les cases étaient très bien conçues sur le plan thermique. Un habitat qui nous permette de retrouver cette notion de vivre avec les éléments, la nature, le climat et l’altitude ».

« Se rapprocher le plus possible de l’habitat naturel »

Au cœur du débat, les textes qui régissent de manière unilatérale les spécificités architecturales. Un rien provocateur, Laurent Lassauge pose la question : « Doit-on vivre sous des normes ? Doit-on s’appliquer uniquement à considérer l’habitat d’aujourd’hui comme une mise en 3 d de textes, de références techniques, et de RTA ? De prêts sur 25 ans pour juste espérer avoir un toit ? Je considère la personne qui vient me voir comme ayant besoin d’un lieu de vie. Aucunement comme une personne devant accepter des normes qui ne sont pas siennes. Je conçois des lieux de vie, adapté à une famille, avec une réflexion sur l’évolution de cette famille. La vie évolue chaque jour. L’habitat (et on ne parle pas là de maison) doit pouvoir s’adapter aussi. La législation en vigueur est castratrice. Il est urgent de passer à autre chose. Un habitat durable reste pour moi un lieu de vie ou une famille évolue soudée, en corrélation avec son environnement naturel et son voisinage.

Pour moi le développement durable c’est la réappropriation de chacun à choisir son habitat. Il faut simplifier les choses pour une fois, se rapprocher le plus possible de l’habitat naturel. Penser à l’orientation de la maison, le terrain, sa forme, son implantation pour une meilleure intégration dans l’environnement.

Et là on soulève un lièvre. En regardant les textes chacun est habilité à déposer un permis en son nom propre. Et seulement chacun. Et si et seulement si chacun en son nom propre est capable de dessiner et de remplir les pièces administratives et de comprendre l’ensemble des normes. Donc dans l’absolu je ne devrais pas avoir d’activité, aucun constructeur non plus. Il n’y aurait donc que des architectes pour le faire ». 

Laurent Lassauge aime travailler en confiance avec ses clients, comprendre ce qu’ils attendent de leur maison. De connaître comment ils vivent afin qu’elle soit adaptée à leur mode de vie. « Avec mes clients, j’ai besoin d’un certain feeling. C’est le côté humain qui m’intéresse. Réfléchir ensemble sur un projet de vie. Je suis pour la liberté des espaces et le suivi de l’évolution de la famille. C’est cet aspect social qui m’anime. L’échange est important, même si cela prend du temps. Savoir écouter. J’aime passer du temps sur un projet. Qui est souvent le projet d’une vie pour ceux qui viennent me voir. Je ne suis pas à la recherche de marchés et d’appels d’offres. C’est un luxe. J’en ai conscience. Le fait d’enseigner dans un lycée professionnel me permet ce confort et cette liberté » conclut Laurent Lassauge.

Texte et photos Pierre Marchal

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