Comme une balancelle suspendue entre ciel et sol, une passerelle reliant la terre à la mer cette maison d’architecte, havre de paix discrètement adossée aux collines de Saint-Gilles, se fond à merveille dans la nature environnante comme pour mieux emporter son rythme et s’inspirer de ses mélodies.
Une déclivité prononcée par quelques marches galvanisées entraîne le visiteur confiant et médusé sur le deck en bois huilé de ce premier espace de vie tout à la fois ouvert à l’infini de l’océan et blotti dans le douillet d’une végétation luxuriante. Le regard plonge alors sur l’anguleux d’un bassin tapissé de pierres naturelles avant de se réfugier dans le camaïeu cosy d’un salon d’été. Appliques en rotin, canisses amarrés, suspension en macramé et motifs ethniques se jouent de plantes tropicales venues, depuis la tonnelle, tendre leurs ramures feuillées comme pour mieux embrasser la terrasse ombragée.
Traversant un mur couleur béton, une persienne aux lamelles inclinées laisse entrevoir un premier intérieur, improbable imitation d’un trophée d’exception, une tête de taureau teintée d’un bleu céladon toise de sa prestance le spectateur qui s’attarde alors que de petits palmiers de bronze élancés diffusent une lumière tamisée. Longeant l’horizontal de la masure, un comptoir imposant semble sans le vouloir créer l’illusion d’une scission entre le dedans et le dehors. Sa convivialité native invite à l’observation plus attentive mais non indiscrète de ces lieux auréolés de détails subtils et nourris d’inspirations vagabondes. Ici un presse-agrume de Starck, là une lithographie de Garouste, une lampe industrielle de Jieldé, le modèle Pipistrello ou Nesso Artémide vont rivaliser de singularités avec ce vase signé Alice Aucuit, un miroir Kartell ou cette coiffeuse Indo Portugaise.
Une verrière industrielle se fait élégante entre la cuisine et le séjour. Photographies d’autrefois et toiles plus contemporaines se partagent les sections verticales, tableaux en craft de ciment, un nu d’Helmut Newton, le style figuratif de Jimmy Frédéric Cadet ou ce cliché noir et blanc d’une arrière-grand-mère n’ont de cesse que d’enchanter l’œil rêveur du contemplatif. Marbres blancs et dorures sages habillent de grâce l’empreinte baroque d’une salle d’eau offerte à l’extérieur tandis que coquillages et peintures tahitiennes inspirent de lointaines contrées. Un dressing astucieusement dissimulé, du rayé bicolore suggérant les colonnes de Buren, un cactus en céramique accueillant une ribambelle de bracelets, quelques mots tendres de Joan Miro, un cœur doré abandonné dans une coupelle sombre …voici venir l’heure d’un coucher de soleil flamboyant de mille feux la magnificence de cette ineffable demeure, un livre oublié sur un guéridon « L’étreinte » de Jim et Laurent Bonneau, indescriptible évocation de cette communion des sens et du cosmos.
Texte : Nadine Gracy
Photos : Pierre Marchal