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Splendide jardin de l’état

Plus que de se lover dans l’un de ces espaces verts trop rares d’une nature préservée, flâner au Jardin de l’État vous ouvre ce voyage en double tonalités. Celle d’une temporalité accrochée aux pendules de l’histoire et son complément en faune et flore.

Conçu au 18ème siècle par la Compagnie des Indes, ce parc Dyonésien s’offre à Saint Denis comme une émeraude dont on ne sait qui, de la cité blanche ou du ciel azuréen, forme l’écrin. L’entrée se dessine aux 4 antipodes, symposium multi-culturels des points cardinaux ou rose des sables aux parfums exotiques. Un portillon en fer forgé vous invite à fouler lascivement les quelques allées de ce parc endormi, le rouge de la terre battue contraste avec le verdoyant d’une nature luxuriante. Le silence y est aussi saisissant que peut être le bruit assourdissant des alentours. Le jardin vous offre sa bulle de plénitude, un cocon de douceur inspirant apaisement et recueillement. Ici le temps n’a plus d’horloge. Une seconde, cette fontaine Wallace vous transporte dans l’autrefois, l’instant d’après une petite pause déjeuner à « l’oiseau du jardin » vous ramène au présent.

Des plants redistribués aux colons
Initialement créé dans le quartier de La Rivière, le jardin de la Compagnie devenu Jardin du Roy en 1767 concentre de nombreux plants introduits par les colons, mis en culture et multipliés avant d’être redistribués sur le territoire. Pierre Poivre et Joseph Hubert, naturalistes renommés, vont enrichir cet espace d’acclimatation d’espèces importées des 4 coins du monde (le Giroflier, le letchi et le longani de Chine, l’arbre à pain de Polynésie …). Nicolas Bréon, célèbre botaniste parisien puis Jean-Michel Claude Richard se succèderont à la Direction de ce parc devenu Jardin de l’Etat en 1948, à la Départementalisation des lieux. Depuis, ce lieu de vie n’a cessé de s’enrichir en variétés végétales. Il suffit d’y vagabonder pour en mesurer toute l’étendue. Chaque arbre ici semble singulier, un palmier à huile vous toise de ses feuilles pennées tandis qu’un Talipot vous offre son unique fleur avant de mourir, plus loin le Saucissonnier aux fruits suspendus attire la chauve-souris et le Nattier indien vous partage les nombreuses vertus médicinales de ses baies oblongues orangées… Près de 600 espèces, dont une cinquantaine d’arbres sont répertoriées dans le parc. Tout ici est matière à s’émerveiller, un guetali aux passerelles de bois s’improvise autour d’un tronc d’arbre plantureux, nonchalamment vous dépassez un kiosque duquel s’évade, -le temps d’une pensée-, un concert improvisé ou la représentation figurée d’une pièce théâtrale… quelques ouvrages négligemment abandonnés au creux de boites à livres réinventées en réverbères vous invitent subtilement au voyage d’une lecture. Le recueillement et l’évasion ne se laissent pas distraire par le pépiement joyeux d’enfants venus fêter un anniversaire sur l’aire de jeux. Et quand bien même votre regard se laissera flotter sur cette belle nature, il ne s’offusquera pas d’apercevoir les robes longues colorées de ces dames accompagnant une cérémonie de mariage…

Un patrimoine classé monument historique en 1978 vieux de 250 ans
Depuis l’entrée principale encadrée par d’imposants pilastres, une longue allée bordée d’un bassin de lotus blancs et d’alignements de manguiers ou d’orangers mène le visiteur jusqu’au perron du Muséum d’histoire naturelle. Ancien Palais législatif construit pour abriter le Conseil Colonial, cette bâtisse érigée en 1835 accueille 20 ans plus tard les premières pièces d’exceptions botanistes ou zoologistes. Composées d’objets minéraux, d’herbiers, de reproductions ou d’animaux naturalisés ces trésors au fil des ans sont complétés par les voyages aux longs courts de naturalistes passionnés. La singularité et la richesse des collections sont partagées de par le monde comme à l’exposition universelle de Paris en 1888. 42 000 spécimens évocateurs de la faune et flore de l’Océan Indien sont aujourd’hui recensés au musée, certains d’entre eux comme le canard grec, une perruche eclectus mâle, un faucon concolore ou la perruche à collier de Ward constituant par leur rareté un trésor source de curiosités et d’intérêts. Quelques gravures scientifiques des XVIIIe siècle et XIXe siècle font aussi la fierté des lieux. Réaménagé à l’occasion des Floralies, décor d’animations insolites comme des retraites aux flambeaux, des cortèges musicaux inspirés des plus grands opéras ou des Fancy Fair, bazar de fantaisies organisé par l’épouse du gouverneur Hubert Delisle, le Jardin de l’Etat devient aussi la demeure improvisée du singe Cajou et de sa compagne. Des tortues géantes venues des Seychelles sont offertes en char aux marmailles accompagnés de leurs nénènes. Le parc vit des essors et des réfections post cycloniques s’imposant à terme comme l’un des sites incontournables de l’île Bourbon. Aujourd’hui modernisé, le domaine offre à ses badauds un restaurant bistronomique, « l’Oiseau du Jardin », un nouvel espace scénique, une ère de jeux d’eau visuels et une partie consacrée aux arts.

Que ce soit en pavane mondaine ou promenade badine, déambuler au Jardin de l’Etat suspend le temps et surprend les sens faisant de son visiteur un amoureux de la Nature, respectueux courtisan de son histoire et promoteur insatiable de sa préservation …le rêveur d’une flânerie solidaire …

Texte Nadine Gracy
Photos Pierre Marchal

Pierre Marchal

Après avoir exercé onze ans comme journaliste au Quotidien de la Réunion, fondateur de l’agence photographique MozaikImages regroupant 95 auteurs dans l’océan Indien mais aussi au Japon et en Australie, Pierre Marchal a opté en 2005 pour une activité free-lance lui permettant de se consacrer à son sujet de prédilection : l’être humain. Anakaopress est née. Aujourd’hui à la tête du magazine de sport Gadiamb et de Paradise Island, Grenadine est un nouveau challenge. Tél : 0692 65 79 95 Mail ; marchal@anakaopress.com

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