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CAROLE NAVARO ARCHITECTE « Assumer sa singularité »

Carole Navaro est à l’arT.chitecture ce qu’Indiana Jones est à l’arT.chéologie, aventurière et pionnière dans l’âme, capable d’assortir les plus improbables comme de se plier au plus conventionnel, surprenante d’audaces et d’intrépidités dans le choix des expériences artistiques venues nourrir un parcours d’exceptions …

NAVARO

Arrivée à La Réunion avec ses parents à l’âge de 11 ans à La Rivière Saint-Louis, Carole Navaro a très tôt développé le goût pour les arts plastiques et l’architecture. Après un DEFA (Dîplome d’Etudes Fondamentales d’Architecture) à Rouen, elle poursuit ses études à l’Ecole de Paris la Villette et l’Ecole d’Archi de Paris la Seine. Diplôme d’architecte DPLG en poche à 24 ans, elle trouvera rapidement du travail à son retour sur La Réunion en tant qu’indépendant et enchaine les commandes sur plusieurs zones industrielles. S’ensuivent de nombreuses réalisations tant en maisons individuelles qu’en bâtiments à destination des entreprises.Il y a sept ans, elle entame un virage pour se lancer dans l’architecture d’intérieur et la décoration qui correspondent plus à ses aspirations du moment. Parmi ses réalisations, on retiendra le Dina Morgabine de Saint-Gilles, les magasins les belles Lunettes à Saint-Pierre et Saint-Gilles, l’espace coworking de l’Usine à CBO de Sainte-Marie ainsi que le nouvel agencement à l’hôtel Archipel avec un accueil, le salon et le restaurant entièrement revus.

D’où vous vient ce côté artiste ?
Je viens d’une famille où l’art tenait une grande place. Un grand-mère pianiste concertiste, un arrière-grand-père photographe et peintre proche de Maurice Denis, un sculpteur. J’ai baigné dans cet environnement et c’est sans nul doute ce qui m’a transmis cet amour de l’art et des belles choses que je n’ai de cesse de vouloir retranscrire. Je collectionne, j’accumule. J’aime beaucoup mixer l’ancien, le contemporain en y ajoutant des petites touches personnelles, avec des matières étonnantes comme le canisse ou le calumet, des enduits en ciment ou des rideaux métalliques. J’aime surprendre.

Vous avez beaucoup voyagé, cela a-t-il influencé votre travail et vos recherches ?
Sans nul doute. Parmi les pays qui m’ont le plus apporté tant au niveau culturel que sur le plan artistique, je retiendrais le Zimbabwe, l’Afrique du Sud et le Sénégal pour leur influence ethnique. L’Italie aussi pour sa culture du beau, qui est l’illustration parfaite de la mixité raffinée. A Rome, vous ne verrez pas de bâtiments modernes à côté de plus anciens. L’aspect moderne se trouve à l’intérieur. Les Italiens ont une grande perception de la conservation du patrimoine.
Le Maroc m’a aussi beaucoup intéressée. Pour la richesse des couleurs notamment. Leur conception de l’espace et des intérieurs avec les ryads, les patios avec la possibilité de vivre l’extérieur à l’intérieur. Ils ont une façon d’appréhender l’environnement qui me fascine. Une façon de vivre que j’affectionne.

D’autres pays vous ont fascinée ?
Il y en a tellement. L’Espagne, Londres, la République Tchèque, l’Irlande, autant de contrées qui m’ont marquée. J’essaye dans mon métier, quand je travaille sur un projet de manière spontanée de capter substantifique moelle des choses. Je m’interroge et j’interroge, savoir ce que les gens aiment quand je leur conçois un intérieur. Je n’impose pas ma vision. J’essaye de connaître leurs goûts, j’aime percevoir chez eux leur vision afin d’écrire ensemble une histoire à travers mon regard. Je veux créer un espace à travers le fil conducteur qui aura capté l’essence de celui auquel il s’adresse.

On reconnaît votre style ?
J’essaye toujours de créer du neuf à chaque projet, repartir d’une page blanche en tentant de m’adapter à leurs besoins. Pour cela il faut savoir capter l’esprit des gens pour mieux en recréer l’esprit des lieux. C’est important. Ce doit être un univers qui leur ressemble dans lequel j’apporte mon savoir-faire. Je suis force de proposition.

Comment voyez-vous l’évolution du métier d’architecte et la place des femmes au sein de cette confrérie ?
Elles ont toutes leur place. C’est indéniable. Prenez l’exemple de la Libanaise Lina Ghotmeh, récompensée plusieurs fois pour son incroyable travail. Il y a aujourd’hui beaucoup de femmes dans les cabinets d’architecture.

Quelles sont les réalisations qui vous ont le plus marqué ?
Il y en a tant. Le MUCEM à Marseille, réalisé par Rudy Ricciotti, Rem Koolhaas, théoricien de l’architecture et urbaniste néerlandais avec la Fondation Prada à Milan. A Marrakech, la fondation Saint-Laurent imaginée par le cabinet français Studio KO est aussi une merveille. De même, le Centre Tjibaou à Nouméa à l’architecture étonnante réalisée par Renzo Piano, encore un Italien a aussi mes faveurs. Mais plus que tout le musée Soulages à Rodez réalisé par RCR Arquitectes m’émeut toujours autant. Un joyau, un véritable bijou architectural contemporain.

Philippe Starck a dit un jour « Une société qui ne voit plus que l’image des choses est perdue ». Que cela vous inspire t’il ?
Bien sûr. Il faut toujours aller voir derrière les apparences, que cela soit au cœur des êtres ou des lieux. Un décor sans profondeur n’a pas de sens. Je le rejoins totalement.

De même Andrée Putmann déclarait : « Un intérieur est le portrait de celui qui l’habite ». Cela vous parle ?
Oui tout à fait d’accord. Plutôt deux fois qu’une. Je l’adore. Elle m’inspire la liberté, comme Charlotte Perriand qui a travaillé avec Le Corbusier. Il faut savoir assumer sa singularité et l’affirmer au monde entier.

Christian Ghion refuse les étiquettes d’architecte, de décorateur, de designer ou bien de coach d’intérieur ? Et vous ?
Justement je ne sais pas trop. J’ai horreur des étiquettes. Je suis quelqu’un qui propose à travers mes connaissances en archi, à travers mes expériences. Dans mon disque dur, mon esprit, j’ai en mémoire une iconographie très vaste d’images et de lieux que j’ai éprouvés, qui me permettent de proposer des ambiances, des atmosphères, des mondes où vivre, empreints de mon histoire et de ma culture. Dans mon activité, je suis une fervente croyante dans les forces de l’univers. Il ne s’agit pas que de décor. Je suis plus dans le ressenti, ce qui me touche et se dégage d’un endroit, d’un lieu. Ma démarche avec mes clients consiste à être très attentive sur ce qui se dégage d’eux. Les lieux sont toujours un point de départ.

Quels sont les hommes et les femmes qui vous ont le plus influencée ?
Philippe Stark, c’est une évidence. Il ne se pose pas trop de questions. Il est spontané. Il peut grâce à sa renommée faire ce qui lui plaît. Ma fille aussi, dans un autre registre, pour sa liberté. Elle me fait sortir de ma zone de confort. Elle m’a élevée autant que je l’ai élevée. Elle me fait grandir. C’est une élévation mutuelle. Il y en a tant d’autres. Ce serait trop long de tous les citer. Charlotte Perriand, Le Corbusier et Véronique Sanson qui a bercé mon enfance et qui m’accompagne toujours.

Jacques Garcia, designer a dit un jour : « Le seul moyen de réussir une maison, c’est de l’aimer ».
Oui. Tout comme le seul moyen de réussir sa vie, c’est de l’aimer. Et j’aime ma vie.

Interview Pierre Marchal
Photos Anakaopress

Pierre Marchal

Après avoir exercé onze ans comme journaliste au Quotidien de la Réunion, fondateur de l’agence photographique MozaikImages regroupant 95 auteurs dans l’océan Indien mais aussi au Japon et en Australie, Pierre Marchal a opté en 2005 pour une activité free-lance lui permettant de se consacrer à son sujet de prédilection : l’être humain. Anakaopress est née. Aujourd’hui à la tête du magazine de sport Gadiamb et de Paradise Island, Grenadine est un nouveau challenge. Tél : 0692 65 79 95 Mail ; marchal@anakaopress.com

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