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VINCENT BERNARD, IEMANJA « J’aime créer, innover »

S’il est un trait de caractère qui sied à Vincent Bernard, c’est bien celui de la curiosité. Cet amoureux des belles choses, ce touche-à-tout, a fait de sa vie une succession d’expériences qui l’auront menées dans le monde entier. A la tête du magasin Iemanja à L’Ermitage, l’homme discret se livre sans ambages sur ses succès, sa vision et l’évolution de son métier de créateurs de mobilier. Interview.

VINCENT BERNARD

Teck-Tech : D’où vient le nom Iemanja ? D’Indonésie ?
Vincent Bernard : Pas du tout. Cela vient du Brésil. Etant un fan de musique de Bossa nova, j’ai séjourné plus d’un an en Amérique du Sud lors d’un long périple avec des amis à travers le Mexique, le Guatemala, le Pérou, la Bolivie et en enfin le Brésil où nous sommes restés plus de cinq mois. Iemanja, c’est la déesse brésilienne de la mer. C’est une croyance qui a été importée du Bénin où elle est vénérée. Ce voyage a réellement marqué ma vie. De retour en France, une seule idée m’obsédait, c’était de repartir en voilier. Avant ce voyage, j’ai travaillé comme photographe * pendant deux ans, mais mon goût pour l’aventure a été plus fort. Envie de grands espaces, de découvertes. Je suis parti par la suite à Washington pour travailler comme serveur dans une brasserie française au « Pied de cochon ». Cela ne s’invente pas. C’est là que j’ai rencontré un ancien skipper qui a changé ma vie en m’apprenant à fabriquer des bijoux. De retour dans mon pays natal, avec mes potes, nous achetons un voilier en teck de 18 mètres, plus adapté à la course qu’à la croisière au long cours. Une année à sillonner l’Atlantique sur les côtes africaines et plus précisément le Sénégal dont je suis tombé amoureux.

C’était avant votre arrivée à La Réunion ?
Oui. J’ai rejoint mon frère Pierre en 1990. J’ai travaillé avec lui sur les écailles de tortues avant qu’il ne monte sa coutellerie Saxo à Saint-Gilles.

Comment vous est venue l’idée de vous orienter vers le meuble en teck ?
C’était la tendance du moment. Nous sommes plusieurs à avoir ouvert la voie avec Native, Baliki, Rouge Céladon. J’ai démarré avec un dépôt vente dans le restaurant Le Manta à l’Ermitage. J’avais envie de proposer une nouvelle offre, de me différencier en proposant autre chose que ce que l’on trouvait à l’époque. L’envie de faire de la qualité avec des matériaux nobles de grande facture qui ont une bonne tenue dans le temps, qui vieillissent bien. Mais plus que tout, j’avais à cœur de dessiner et d’apporter un nouveau design, quelque chose d’original et d’innovant. C’est ainsi qu’est né Iemanja à La Saline.

Vous travaillez essentiellement avec l’Indonésie ?
Oui. Je travaille avec la même usine basée à Java. On a évolué ensemble, on a grandi main dans la main. Cela fait plus de vingt ans. Aujourd’hui, j’aime exercer mon talent sur le mobilier d’intérieur, surtout la salle de bain qui reste mon cœur de métier. On est dans le qualitatif.

Avez-vous été impacté par la crise de la COVID ?
Bien évidemment comme nous tous. Avec plus de 500% d’augmentation sur le fret, la situation économique est devenue problématique. C’est bien pour cela que la Chine a relancé la route de la soie afin de ne plus être tributaire du transport maritime et d’anticiper la crise avec le ferroviaire. La situation est très tendue. Nous sommes sur une île et bien trop interdépendants du trafic par la mer. Ajoutez à cela la crise en Ukraine… Mais je veux rester optimiste et croire en un avenir plus serein si tant est que la reprise tant annoncée arrive enfin. Avec Sonia ma collaboratrice en charge de la décoration, nous avons à cœur de proposer des gammes sans cesse renouvelées.

Comment envisagez-vous l’avenir ?
J’ai été pendant 18 ans dans mon magasin de la Saline les Bains qui m’a apporté une grande renommée. L’originalité et le design des produits que je crée ont participé à faire de ma marque une vraie identité. A tel point que j’ai été bien souvent copié. Autant par de petites enseignes que de grandes marques. Le revers de la médaille. Un peu de négligence aussi. Aujourd’hui, tous mes modèles sont déposés à l’INPI. Installé depuis plusieurs années à l’Ermitage, dans un show-room bien plus grand, je reste concentré sur la création de mes produits originaux, avec un design contemporain, aux lignes épurées, ornées de pierres, de galets, de marbre.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Elles sont multiples, aussi bien en architecture que dans la photographie afin de concevoir des meubles, des buffets, des salles de bains, des bureaux. Je peux focaliser sur les détails d’une maison, sur une ambiance, une musique. (Vincent est aussi musicien et a joué dans un groupe). Mais ce qui me manque avant tout, c’est le temps. Le principal dilemme du chef d’entreprise qui de ne cesse de courir après lui. Me poser un peu, l’esprit libre pour créer, encore et toujours.

Texte et photos Pierre Marchal

* (Diplômé de l’école EFET et de l’ACE3P à Paris)

Pierre Marchal

Après avoir exercé onze ans comme journaliste au Quotidien de la Réunion, fondateur de l’agence photographique MozaikImages regroupant 95 auteurs dans l’océan Indien mais aussi au Japon et en Australie, Pierre Marchal a opté en 2005 pour une activité free-lance lui permettant de se consacrer à son sujet de prédilection : l’être humain. Anakaopress est née. Aujourd’hui à la tête du magazine de sport Gadiamb et de Paradise Island, Grenadine est un nouveau challenge. Tél : 0692 65 79 95 Mail ; marchal@anakaopress.com

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