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« Retour au tan lontan »

PHILIPPE MOREL

Agriculteur, cuisinier, traileur, voyageur, homme de terroir passionné et passionnant, épris de liberté, généreux… Il serait trop long de dresser le portrait de Philippe Morel. Le mieux est encore de partager un moment avec lui sur son exploitation, lors d’une journée découverte « Du champ à l’assiette » !

Nous arrivons par une étroite piste au milieu des champs de canne. Philippe Morel nous attend de pied ferme : un grand gaillard athlétique et souriant, la cinquantaine bien conservée.
Nous rejoignons directement le boucan, déjà embaumé par les milliers d’heures de cuisine au feu de bois. Ici, le temps semble s’être arrêté : des saucisses boucanent tranquillement au-dessus du foyer, on trouve pêle-mêle casseroles et marmites de toutes tailles noircies par le feu, l’indispensable pilon, la bouteille d’huile, le sel, le poivre… Et sur la table : un concentré du terroir réunionnais : tomates, zognons, ail, gingembre, brèdes, longanis, bananes, fruits de la passion, ananas…
Philippe nous propose tout de suite un café : un bourbon pointu la cour, grillé et préparé au feu de bois… Une belle entrée en matière ! Il enchaîne : « Qu’est-ce que vous voulez manger ? » Nous optons pour la simplicité : baba figue et saucisses fumées maison !

Philippe se présente comme un agriculteur, en n’oubliant pas de souligner que « cela regroupe tous les métiers du monde : arboriculteur, cuisinier, mécanicien, maçon, maraîcher, apiculteur, etc. Quand tu deviens agriculteur, tu as intérêt à être polyvalent ! prévient-il ». Il exploite 8 ha à Ste-Anne et 20 ha à Ste-Rose. Fruits, légumes, épices, miel : « Le goût lontan lé la chez M. Morel », comme écrit sur son tablier !
Pour lui, la fierté d’un agriculteur, c’est de planter, récolter et transformer. C’est d’ailleurs comme ça qu’est né « Du champ à l’assiette », le 9 avril 2009 : des journées découvertes de l’exploitation de M. Morel et de sa cuisine lontan, ouvertes à tous les curieux.
Depuis le passage à une agriculture raisonnée, « pour vivre de l’agriculture, il faut transformer. De A jusqu’à Z. Cela veut dire éliminer tous les intermédiaires jusqu’au consommateur », nous explique-t-il.

Philippe découpe une bûche à la hache pour alimenter le feu de bois. Il prépare méticuleusement le baba figue : il enlève toutes les petites bananes en formation, émince la fleur puis la plonge dans l’eau bouillante salée.

Je suis agriculteur, et j’accueille les gens le week-end : je suis donc aussi un peu guide, un peu tisanier, mais avant tout agriculteur !  affirme Philippe.


Protecteur du patrimoine réunionnais

Le 9 avril 2009, c’est la date de création de l’Association pour la Valorisation et la Préservation du Patrimoine des Hauts de Sainte-Marguerite (AVPPHSM). « J’ai monté cette association avec un petit groupe d’agriculteurs pour faire de la vente directe – ils sont 4 aujourd’hui, avec Loïc Boyer, Jacky Maillot et Pascal Grondin, tous implantés sur les hauteurs de Ste-Anne, NDLR. C’était aussi un défi : celui d’amener les gens ici alors qu’il n’y avait personne. Depuis, il y a beaucoup de monde !
À nous quatre, nous produisons tous les produits de saison sauf le riz et la vigne. Nous faisons également un peu d’élevage traditionnel : des poulets, des coqs de combat, des canards, etc. Nous proposons de la vente directe sur commande (fruits, légumes, épices et produits transformés), mais aussi de la cueillette sur place. Cela permet aux clients d’être directement dans le produit et de payer très peu cher. Et de cette façon nous perdons très peu de production », explique notre agriculteur. C’est aussi l’AVPPHSM qui organise « Du champ à l’assiette ».
« L’objectif de notre association est aussi de montrer aux gens tout ce qui se mange à La Réunion. D’ailleurs, on travaille aussi avec Thierry, qui est guide à la forêt Sainte-Marguerite ».

Pendant que nous discutons, Philippe a coupé l’oignon, pilé l’ail, le gingembre, et le piment. Il met les saucisses à frire dans une poêle, égoutte le baba figue et le rince à l’eau froide.


Cuisinier de la tradition

Philippe a appris à cuisiner à la maison, quand il était petit : « les plus vieux caris, comme peau de banane, baba figue, chou de canne, etc., je les ai appris avec ma grand-mère ».

Philippe jette ail et oignons dans la poêle jusqu’à ce qu’ils deviennent « rosés » et ajoute généreusement quatre épices, kaloupilé, etc. Il ajoute ensuite le baba figue et couvre. Le doux chant de la marmite se fait déjà entendre…

« Chez nous, à La Réunion, on a 365 jours de fruits et légumes par an ! On ne se rend pas compte qu’on n’a pas besoin de manger des produits d’importation. Moi, je produis presque de tout, j’ai appris à cuisiner sans ail, sans oignons, sans tomates, sans huile, au cas où il n’y en ait pas. Et les saucisses boucanées au-dessus du feu de bois, c’est notre frigidaire : ça permet de les conserver jusqu’à la consommation. Lorsque je fais des dégustations, beaucoup de gens réapprennent à manger des produits simplement, même des Réunionnais », se réjouit Philippe.

Il nous emmène maintenant sur son exploitation, à la recherche d’un palmiste pour le déjeuner. En quelques mètres seulement, nous croisons et découvrons avec tous nos sens un pied de bourbon pointu, d’orangine, de vanille, de piment, de pomme en l’air… Le pied de palmiste dégotté, nous retournons en cuisine pour le préparer.
Quelques instants plus tard, nous dégustons notre salade de palmiste frais assaisonnée à l’orange Chine, le cari baba figue – saucisse et terminons sur une touche sucrée avec un maïs grillé minute et un rhum arrangé longani. Un régal !

Du champ à l’assiette
Passez du champ à l’assiette en une journée !
Chaque week-end dès 8 h, vous pouvez participer à l’atelier cuisine de M. Morel dans son boucan, partager le riz chauffé, découvrir son exploitation, déguster un authentique repas créole sous la varangue (de l’entrée au dessert en passant par les traditionnels cari feu de bois et café grillé)… et surtout passer un très agréable moment en compagnie d’un homme passionnant !
40 €/personne (20 € pour les 6-10 ans, gratuit en dessous de 5 ans)
Réservation :
www.reunion.fr
Office de tourisme Intercommunal de l’Est : +262 (0)2 62 46 16 16 ou +262 (0)6 92 79 33 01
En direct au +262 (0)6 92 67 23 50
106 chemin Lamandière, 97437 Sainte-Anne

Pierre Marchal

Après avoir exercé onze ans comme journaliste au Quotidien de la Réunion, fondateur de l’agence photographique MozaikImages regroupant 95 auteurs dans l’océan Indien mais aussi au Japon et en Australie, Pierre Marchal a opté en 2005 pour une activité free-lance lui permettant de se consacrer à son sujet de prédilection : l’être humain. Anakaopress est née. Aujourd’hui à la tête du magazine de sport Gadiamb et de Paradise Island, Grenadine est un nouveau challenge. Tél : 0692 65 79 95 Mail ; marchal@anakaopress.com

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