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Portfolio : Stéphane Repentin

La Réunion confinée en noir et blanc

Stéphane Repentin est reconnu pour son travail d’orfèvre à travers ses clichés publicitaires. Il a par son talent contribué à faire de La Réunion une terre d’excellence iconographique. Reconnue nationalement. Incontestablement, il fait partie de celles et ceux qui ont marqué de leur empreinte la photographie réunionnaise. La Réunion, confinée en noir et blanc, instantanés furtifs de deux mois pas tout à fait comme les autres.

Magicien de l’émulsion, Stéphane Repentin a saisi La Réunion pendant le confinement. Reporter photographe installé au Port depuis plus de trente ans, spécialisé dans la prise de vues de studio, Stéphane s’est découvert un nouveau terrain de jeu. Immortaliser l’urbanité dénuée de ses habitants. Ses clichés noir et blanc invitent à la rêverie et à repenser notre quotidien sans la présence humaine. Quelle est notre place dans l’espace réunionnais, et quel futur voulons-nous à travers cette urbanisation forcée au détriment de la nature ? Et si pendant cette période, cette dernière n’a pas forcément eu le temps de reprendre ses droits, le travail du photographe incite à la réflexion. Que voulons-nous laisser aux générations futures de notre humanité ?

Des noirs et blancs au graphisme ciselé aux lignes fuyantes, des contrastes exacerbés, afin de mieux laisser transparaître l’empreinte de l’homme sur la nature témoignent du parti pris de l’artiste. Un travail à la limite de l’infrarouge, images fantasmagoriques pour ne pas dire apocalyptiques. Les nuages percent le ciel sombre de leur blancheur immaculée pour mieux transfigurer sous ce soleil éclatant la quintessence de notre absurde supériorité sur les éléments.
Puisse cela nous inciter à ne pas reproduire les mêmes erreurs.

Lagon de L’ermitage les Bains – 17 avril 2020 – 11h53

A l’ombre d’une étroite bande de filaos, à quelques dizaines de mètres du lagon le murmure des vagues est rendu presque inaudible par une cacophonie jubilatoire de gazouillis, les oiseaux font entendre leurs chants d’un espoir de liberté retrouvée sur un espace reconquis.
Si les oiseaux ont toujours été là, dépollué du bruit humain on les entend mieux ou s’arrêtent-ils de chanter pour nous laisser à l’opulence de notre monde consumériste à nos bavardages incessants et bruyants…

Saint-Pierre – Boulevard Hubert Delisle 17 avril 2020 – 14h33

Le roulement lointain de la houle dans son chant monotone agite les bateaux, amarrés côte à côte ils se poussent, se soulèvent, tirent sur leurs cordages et grincent sous le vent. Les gréements accrochés aux mats métalliques des voiliers tintinnabules, les drapeaux claquent dans le vent qui envoie ses sifflements s’engouffrer dans les brèches des rues rectilignes qui se croisent en angles droits.
Apocalyptique environnement sonore contrasté par la rassurante pureté de l’air débarrassé de la pollution du boulevard Hubert Delisle habituellement encombré par l’incessant mouvement des véhicules pare choc contre pare choc.

Plage de la Saline – Planche Alizée – 29 avril 2020 – 11h32

Sous le soleil radieux la plage est «silencieuse», une légère brise fait chanter les fines aiguilles de filaos accrochées à l’apparente fragilité de leurs frêles branches, à peine de quoi faire trembler les lourdes feuilles de palmiers. Sans les voir quelques oiseaux font entendre leur chant qui se mêle à l’éternel mouvement des vagues qui surgissent de l’océan se cassent sur le corail et disparaissent sur la plage éblouissante sous le soleil de cette fin du mois d’avril…
La vague meurt, l’océan reste. Danse de l’éphémère sur l’éternel.

Sainte Marie La Mare, samedi 18 avril 2020-10h17

Là, où le temps s’est arrêté. Le soleil radieux affiche l’ensemble de son spectre pour mieux contempler l’ombre projetée de l’empreinte des hommes.
Pausé là au milieu d‘une terre autrefois vierge, combien de temps la nature généreuse mettrait à engloutir ce témoin de la brève histoire de la Réunion.
Vide d’hommes, l’on entend la plainte de ces édifices, comme s’ils craignaient d’être abandonnés. Le vent claquant sur un morceau de ferraille rouillé défait de son support. La sinistre musique des alizés au travers des barreaux métalliques des longs balcons, le claquement des branches d’un arbre posé trop près d’un silo métallique.
Ces sons que l’on découvre quand il ne reste rien, devraient nous alerter sur la fragilité de notre monde trop souvent contrarié par notre absurde supériorité.

Parking de l’aéroport Roland Garros, samedi 18 avril 2020 -13h38.

Les nuages percent le ciel de leur blancheur immaculée pour mieux transfigurer sous un soleil éclatant une tranquillité inhabituelle bercée par le bruit du vent dans les palmiers. Oublié le va et vient incessant, dans le bruit et les odeurs d’échappements, de véhicules accompagnant ou récupérant les voyageurs allant ou venant d’autres horizons. Le bruit des réacteurs d’avions en attente de passagers s’est tu.
Aujourd’hui l’arrivée d’un long courrier ne brisera pas cet instant… disparu les odeurs de kérosène.
Seul reste le chant des oiseaux virevoltants au gré des vents dans cet espace commun, qui pour un moment leur appartient tout entier !

Quatier KT-Dral – 18 avril 2020 – 12h00

Les vies anonymes qui ont animé le quartier ont disparu mais restent comme des fantômes qui hantent ce lieu où l’agitation de la pause méridienne battait son plein. Un endroit où les tables emplissaient l’espace.
De la musique sortait des bars se mélangeait au brouhaha ordinaire de la rue où les habitués arrivaient par petits groupes, les amoureux main dans la main, ici, tiraient les chaises métalliques, là, poussaient un banc mal ajusté ; pour enfin s’asseoir et profiter d’un moment de détente là où les mots se mélangent aux rires.

Saint-Denis – Boulevard sud – 18 avril 2020 13h12

Le temps s’est arrêté, les appartements du carré-cube silencieux semblent vides de leurs habitants, rien ne filtre à travers les fenêtres fermées. Un silence envoûtant a jeté son voile sur la ville qui s’est endormie à une heure où les longues files d’automobiles devraient amener leurs occupants au-delà d’un présent incertain. Prisonniers d’un long tunnel, ils sont entrés mais pas encore ressortis… Sagement, Ils attendent d’en voir le bout…

Parking du Petit Marché – Saint Denis – 18 avril 2020 12h56

Le mur de l’incompréhension se dresse dans un cri de détresse. Un cri sourd et douloureux qui dans la confusion sème le doute. Dans le silence d’une place vidée de son activité habituelle, filtre à travers une fenêtre ouverte les commentaires de spécialistes : politiques, énarques, scientifiques tous avec une vérité aussitôt remise en cause. L’oreille collée à la radio ou les yeux rivés sur la télévision les infos passent en boucles.
Les fous de chiffres, les dingues de statistiques défilent, les épidémiologistes croisent le fer, pilotent sans vision, la peur s’est installée… Sur cette dissonante interprétation l’auditeur, le télé spectateur tente de concilier des éléments d’information qui ne s’accordent pas… les réseaux sociaux, le courrier des lecteurs des blogs d’information, sont saturés…

La vérité ne fait pas tant de bien dans le monde que ses apparences y font de mal. ~ La Rochefoucauld

Plage de l’Ermitage – 17 avril 2020 – 12h01

Le chaos n’est pas une fosse, le chaos est une échelle… Seule l’échelle est réelle. Seule l’ascension importe les périodes de trouble et de chaos ne sont pas que souffrances et désolations, elles sont aussi des opportunités. – Games of throne
Contrairement à l’esprit mercantile de Petyr Baelish qui nous montre une facette de la nature humaine se fondant sur l’accumulation des richesses au détriment de tout autres principes. La sérénité de la Nature nous fait entrevoir, si l’on veut bien laisser aller son esprit à la contemplation, une présence intense du temps longtemps, un sentiment d’appartenance à ce monde immuable.

Saint Denis Barachois – 3 mai 2020 – 10h58

La température est agréable, proche des maximales saisonnière. Les palmes dansent sous un alizé modéré. Le vent d’altitude étire les nuages, quelques rares averses sont prévues pas plus de 2 mn…
Rien qui pourrait empêcher de profiter de ce dimanche qui s’annonce clément. S’offrir une promenade en famille sur le littoral de Saint Denis. Mais aujourd’hui nul besoin de fermer le barachois pour laisser l’endroit aux promeneurs. Les cris des d’enfants autour des espaces de jeux ne se feront pas entendre. Les voitures resteront immobiles, les familles dans leur foyer…

Saint Gilles les Bains – 17 avril 2020 – 10h29

Gramoun rebelle, indifférent au message «street art» qui s’affiche aujourd’hui en 4×3, déplacé d’un environnement urbain réel vers un espace spécialisé, devenu la parole de l’autorité. Les actions spontanées et rebelles s’institutionnalisent. Les vieux sages deviennent la contre-culture, un morceau d’utopie que l’on voudrait nous faire croire impossible…

Saint Denis rue de Paris – le 18 avril 2020 – 11h24

Hier, bassin de vie fourmillant d’activité, la ville s’est endormie. Elle aussi touchée par la pandémie, vidée de ce qui fait son énergie, son dynamisme. L’empreinte géométrique des lignes qui guidait la circulation, les murs sous les toits ne sont plus qu’un décor. Le temps s’est arrêté, avec lui le silence s’est installé.

Pierre Marchal

Après avoir exercé onze ans comme journaliste au Quotidien de la Réunion, fondateur de l’agence photographique MozaikImages regroupant 95 auteurs dans l’océan Indien mais aussi au Japon et en Australie, Pierre Marchal a opté en 2005 pour une activité free-lance lui permettant de se consacrer à son sujet de prédilection : l’être humain. Anakaopress est née. Aujourd’hui à la tête du magazine de sport Gadiamb et de Paradise Island, Grenadine est un nouveau challenge. Tél : 0692 65 79 95 Mail ; marchal@anakaopress.com

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