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Jany MAHALATCHIMY

Le dernier ferblantier

A 45 ans, Jany Mahalatchimy est le dernier artisan ferblantier de l’île de La Réunion. Un savoir-faire traditionnel qu’il défend et entretient… et aimerait transmettre à d’autres passionnés qui souhaitent comme lui valoriser le patrimoine de notre île.

Chemin Dubuisson, près du centre-ville de St-Leu. Nous pénétrons dans La kaz ferblantier. Jany Mahalatchimy nous accueille avec un grand sourire. Nos yeux rencontrent tour à tour des chutes de métal, un établi rempli d’outils et de pièces en cours de fabrication, des horloges en forme de cafetière, de chat, de papillon, de dodo, une ribambelle de lampes à pétrole anciennes, des citernes… Un joyeux bric-à-brac organisé qui donne envie de tout regarder, tout toucher, tout acheter et… tout comprendre.

Nous avons pénétré dans l’antre d’un artisan particulier : le dernier ferblantier de l’île, depuis que ses prédécesseurs, MM. Hippolyte et Etang Sale, ont pris leur retraite.

Un ferblantier, c’est un artisan qui fabrique des objets et ustensiles en fer-blanc, initialement de l’acier recouvert d’une fine couche d’étain. Il a peu à peu été remplacé par le galvanisé – de l’acier recouvert d’une couche de zinc –, arrivé à La Réunion dans les années 50.

La ferblanterie comme une révélation

A la base, je ne suis pas du tout ferblantier, j’étais même très loin de l’artisanat !, rigole Jany. J’étais et suis encore professeur des écoles. Après ma formation en 2000, je me suis aperçu que rien n’était fait pour la culture réunionnaise. Et comme j’ai toujours eu envie de transmettre aux enfants, lors de mes premières années d’enseignement, je fabriquais avec eux des instruments de musique, des maquettes de cases créoles, toutes sortes d’objets traditionnels et artisanaux .

Jany redécouvre la ferblanterie lors d’une exposition d’objets lontan organisée avec ses élèves, puis au musée Varlop Galer de Petite-Île. « Arrivé là-bas, ‘l’esprit fer-blanc’ est descendu sur Jany, plaisante-t-il : il y avait des arrosoirs, des grègues, des lampes à pétrole, des objets en fer-blanc en pagaille… Je me suis dit : c’est mon enfance, ma culture, mon identité. Ça bouillonnait au fond de moi ».

De l’apprentissage à la reconnaissance

De fil en aiguille, Jany rencontre M. Hippolyte, ferblantier, le 14 juillet 2006. Il lui demande de le former, insiste un peu et réussi finalement à se faire inviter dans son atelier. Durant toutes les vacances, Jany s’y rend quasiment tous les jours, récupère quelques tôles, achète de l’étain, trouve un fer à souder à la brocante, et commence à façonner ses premières pièces.

Au fur et à mesure des expositions, Jany reçoit les encouragements du public et remporte même la 3ème troisième place au Grand prix régional des métiers d’art. Il expose tous les mois de 2006 à 2014, jusqu’au décès de son père. Là, il décide de lever le pied sur le fer-blanc, travaille davantage le cuivre et le zinc. « Je crois que j’ai eu un don. À la base, je n’étais pas du tout manuel mais j’avais un petit côté artiste. Et au fil du temps, j’ai commencé à toucher à tout. Ça m’a permis de prendre confiance en moi, de faire vivre une partie de notre patrimoine ».

Le goût du patrimoine artisanal réunionnais

En 2010, Jany construit son atelier : La kaz ferblantier. « Depuis, je ne cherche plus à avoir énormément de commandes, confie-t-il, je cherche à faire de la qualité. La ferblanterie, c’est un retour aux sources, au patrimoine réunionnais. C’est un savoir-faire qui existe depuis très longtemps : les techniques que j’utilise sont les mêmes qu’il y a 2 ou 300 ans. Tout ce que je fais peut se faire avec des machines. Moi, je n’en utilise pas. Si on commence à rentrer dans ce fonctionnement là, ce n’est plus de l’artisanat mais du semi-industriel. Et l’investissement nécessiterait alors de produire plus de pièces donc de réduire la qualité… Ce n’est pas ma philosophie ».

Aujourd’hui, Jany travaille essentiellement sur commande, en majorité pour des particuliers mais aussi pour entreprises ou des collectivités. Ses commandes proviennent surtout de La Réunion, quelques-unes de métropole et parfois de l’étranger.

« Le fer-blanc a gardé l’image d’un temps difficile, d’une période de misère, explique Jany. Mais aujourd’hui il est ‘vintage’ ». Jany l’utilise pour fabriquer des grègues, des arrosoirs, des bassines, etc. Avec le zinc, qui ne rouille pas, il fabrique des conduits de cheminée, des bacs à fleur ou tout objet qui vivra en bord de mer. Quant au cuivre, « c’est l’un des métaux les plus chers après l’or. Mais les clients l’apprécient car il est un très bon conducteur de chaleur, par exemple pour les grègues. Et il a un côté esthétique ! », termine notre ferblantier.

La Kaz ferblantier
Appelez avant de passer, Jany est peut-être en cours !
0692 16 14 30
http://leferblantier.e-monsite.com/
Leferblantier974@gmail.com
54 Chemin du Buisson à St-Leu

 

Pierre Marchal

Après avoir exercé onze ans comme journaliste au Quotidien de la Réunion, fondateur de l’agence photographique MozaikImages regroupant 95 auteurs dans l’océan Indien mais aussi au Japon et en Australie, Pierre Marchal a opté en 2005 pour une activité free-lance lui permettant de se consacrer à son sujet de prédilection : l’être humain. Anakaopress est née. Aujourd’hui à la tête du magazine de sport Gadiamb et de Paradise Island, Grenadine est un nouveau challenge. Tél : 0692 65 79 95 Mail ; marchal@anakaopress.com

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